jeudi 22 décembre 2011

Sleeping Beauty

 


Pour son premier long-métrage la romancière australienne Julia Leigh signe un drame psychologico érotique. Après sa sélection en compétition à Cannes cette année, le festival de Sarlat a accueillit se film unique.

Emily Browning interprète une jeune étudiante qui accumule les petits boulots .Un jour elle téléphone pour une annonce qu’elle remarque dans le journal .C’est une offre d’emploi pour une sorte d’agence privée.Une femme la reçoit dans un grand manoir et lui explique son contrat de travail .Elle servira à table des hommes fortunés, en petite tenue … Mais subjuguer par son charme son employeur lui propose une promotion. La nuit, alors qu’elle est endormie par un somnifère très puissant, des hommes passent dans sa chambre et peuvent profiter d’elle à volonté.Tout est permis sauf la pénétration …

Avec son rythme lent, Julia Leigh explore un personnage complexe, sans pathos ou d’explications inutiles sur son enfance. Dans une autre œuvre on aurait eu droit à des flash-back sur son enfance, certainement tourmenté (l’abandon d’un père ou un viole qui aurait grossit les traits …) … Ici non ! Le personnage, plusieurs fois appeler Lucy, mais dont on n’est jamais vraiment sure de connaître le nom (autre aspect d’une déstabilisation crescendo), est mystérieux, voir fermé, et certains points de sa personnalité restent volontairement inexplorés. En témoigne cette scène plus que troublante dans laquelle elle joue une partie de jambes en l’air avec un inconnu à pile ou face. Pourquoi ce penchant pour le sexe ? Quel est cet endroit qu’elle côtoie et dans lequel elle multiplie les rapports avec des inconnus ? Est-elle accroc à la drogue ? Qui est cet homme à qui elle rend systématiquement visite ?

Ce personnage est littéralement habité par Emily Browning, vu dans le récent Sucker Punch de Snyder. Les scènes de nus, très éprouvante physiquement, salut un courage qui mérite d’être applaudit. Aussi convaincante dans le silence que dans le dialogue cette actrice, à suivre, est pour beaucoup dans la réussite de se film.
 
La mise en scène de Leigh est la plus grosse surprise du film, on assiste à la naissance d’une cinéaste qui impressionne par sa maîtrise bluffante du plan fixe et du plan séquence. La réalisation, pleine de finesse, est identifiée par une photo souvent grise, on se croirait dans une région pluvieuse d’Angleterre, et une photo lumineuse composée de lampes de chevets stratégiquement placées pour les plans de chambre. Comme si le seul lieu de lumière était cette chambre dans laquelle exerce Browning, qui, paradoxalement dégage une présence immense alors qu’elle joue le rôle d’une femme endormie.
Ces scènes de chambre sont troublantes parfois choquantes et nous mettent mal à l’aise .Elles sont pour la plupart tournées en un seul plan-séquence. Un plan d’ensemble de la chambre, fixe , rendu de plus en plus menaçant au fur et à mesure du film au point que ce lieu (lumineux) devient la terreur du spectateur . Un procédé que je trouve particulièrement efficace car il peut faire la nique à n’importe quel film de genre d’aujourd’hui .Admirable pour un premier film, qui, quitte à emprunter certains codes du cinéma d’épouvante, construit une angoisse en un seul plan : le plan d’ensemble de la chambre et son personnage, allongé au milieu du lit dont le corps nue est recouvert, comme un linceul recouvre un cadavre.
Ce thème de la mort pourrait être un trajet du scénario, car on retrouve des éléments abstraits qui pourraient nous conduire à penser que le personnage vit le cycle de la vie à l’envers, comme lorsqu’elle brûle un des billets de son premier salaire de beauté endormie, on peut y voir une immolation comme si elle mourrait à partir du moment où elle accepte ce travail. Même si ces éléments interviennent de manière décousue, le cri final du personnage peut être interprété comme le cri de la naissance.

Le principal défaut du film serait de prendre un peu trop son temps pour rentrer dans le vif du sujet .Mais qu’importe car toutes les scènes de Sleeping Beauty, sans exception sont d’une maîtrise et d’une force si captivante qu’elles parviennent presque à nous faire oublier leur utilité. En effet cette fascination devant la dureté de certaine scène nous aveugle littéralement. Pour exemple : Lors de la première scène, un jeune homme prépare du matériel de chimie quand une jeune femme arrive dans le champ (notre héroïne), elle se met à l’aise et l’homme lui enfonce une sorte de tube de 50 cm dans la gorge. Scène d’exposition longue, vaine et vomitive ? Non, pas dans le cinéma de Julia Leigh, je pense qu’il faut y voir une métaphore sur la pénétration .Le personnage principal rend souvent visite à un homme (de sa famille ?) qui la désire mais qui a trop de respect pour elle pour pouvoir lui faire l’amour, donc la pénétrer .Ensuite, dans son job les hommes ne peuvent la pénétrer .On assiste donc à la seule pénétration du film, ce jeune chimiste est le seul à pouvoir la pénétrer mais Leigh le montre de façon plus allégorique.
 
A mon sens une séquence représente particulièrement bien le film, son atmosphère, son scénario .Un plan-séquence d’abord fixe puis un panoramique gauche et bas.
Dans le centre du champ une femme allongée dans un lit, les yeux fermés .Un homme assez fort et une femme élégante arrive dans le champ .La femme (l’employeur de la beauté endormie interpréter par  Rachel Blake) explique à l’homme des conditions, une sorte de dogme, ne pas laisser de marque et pénétration interdite. L’homme la remercie, elle sort du champ. L’homme commence à se dévêtir, il est maintenant torse nu .Il prend la couverture et la retire, il contemple la beauté endormie qui est allongée sur le lit .Il saisit sa cheville et la fait glisser vers lui .Il tente de la prendre dans ses bras mais le corps ankylosé de la jeune fille lui fait perdre l’équilibre et il manie le corps maladroitement .Il manque de la faire tomber à plusieurs reprises .Il reste finalement près du lit avec elle dans les bras.
Je pense que cette scène très troublante (la nudité, la maniement du corps) représente le film dans le sens où l’homme ne parle pas (une réplique : « Merci Clara. ») et son visage n’est pas directement dévoilé par la caméra contrairement aux autres clients .En effet, les autres clients parlent avant ou pendant leurs actes et leur visage est montré explicitement.Cette scène représente un homme qui est maladroit avec le corps de cette femme ,en effet elle est endormie , son corps est comme sans vie il ne peut pas le « manier » comme une personne animé.                                                                                                                                                De plus l’absence de son représente l’ambiance du film ; c’est effectivement une œuvre très peu bavarde et on note l’absence totale de musique.                                                             Cette scène peut, dans un sens représenter le point de vue de la beauté endormie, car, comme elle le spectateur ne voit pas le visage de l’homme .C’est un inconnu pour elle et pour nous .Pour moi, cet inconnu est le symbole de tous les autres hommes (3 au total) qui viennent dans cette chambre. Le premier est doux, le second est dur (car il est impuissant) et celui décrit dans la séquence est maladroit : il représente le mélange des deux précédents : il prend la femme dans ces bras (douceur) mais il est maladroit avec elle, la fait tomber et manie son corps violemment (dureté) cependant il ne veut pas lui faire mal (douceur).Leur maladresse et leur vulnérabilité créer de l’empathie et c’est une des forces du film .Et ce malgré le fait qu’il ne soit pas très bavards .Je trouve cela très impressionnant de réussir à étoffer ces personnage masculins que l’on voit très peu et qui ne parlent pas ; je pense que c’est également grâce à l’utilisation de la nudité, elle permet d’approcher l’être humain de façon beaucoup plus brute et cette notion m’a vraiment bouleverser.

Avec cette beauté des corps, son scénario et sa mise en scène déstabilisante Julia Leigh parvient à s’affirmer comme une grande cinéaste. Même si son film choque et nous bouleverse presque jusqu’aux larmes, cette identité visuelle très personnelle et une Emily Browning incroyable font de Sleeping Beauty une réussite aussi flamboyante qu’inattendue

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